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Anne Le Troter, vue de l’exposition Parler de loin ou bien se taire, 2019 Pièce sonore, 30 min. Installation, matériaux divers, dimensions variables Production Le Grand Café – centre d’art contemporain, Saint-Nazaire Photographe Marc Domage

AGENDA

Exposition

Anne Le Troter. Parler de loin ou bien se taire

du 02 février 2019
au 21 Avril 2019
Pour mettre en forme ses pièces sonores, l’artiste collecte, découpe et assemble, dans un processus de composition très élaboré. Selon différents protocoles, elle fait aussi intervenir sa propre voix enregistrée, ou celles de locuteurs interprètes. Dans un bloc de paroles constitué, Anne Le Troter met en relief l’intensité de présence de certains éléments : elle fuit le superflu, élague les liens syntaxiques, capte les variations dans la répétition, révèle la mécanique structurelle de la langue.
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
 
« Dès que l’homme use du langage pour établir une relation vivante avec lui-même ou avec ses semblables, le langage n’est plus un instrument, n’est plus un moyen ; il est une manifestation, une révélation de notre essence la plus intime, et du lien psychologique qui nous lie à nous-mêmes et à nos semblables. »
Walter Benjamin
 
Dédiées à la projection de la forme orale, les expositions d’Anne Le Troter ont des allures d’enquêtes sonores. La matière vocale collectée, qu’elle sculpte ou réinterprète, se révèle souvent surprenante : le corps, saisi par le prisme sémantique de différents champs professionnels, y est omniprésent, comme s’il cristallisait une zone de résistance à dire.
 
L’artiste collectionne ainsi les sociolectes, ces dialectes spécifiques à une classe sociale, à un groupe professionnel, ces jargons qui ont parfois une utilité identitaire, mais qui peuvent aussi servir de moyen d'exclusion. Langue managériale et corporate, terminologie médicale ou paramédicale, standardisation vocale des enquêteurs téléphoniques : autant de langages techniques qui permettent à Anne Le Troter d’aborder le corps dans sa dimension matérielle, et de jauger l’emprise autoritaire d’une langue sur son objet.
 
L’artiste s’intéresse également aux idiolectes, les usages du langage propre à un individu donné ou à un tout petit groupe, comme la novlangue qu’elle a créée avec ses sœurs, parole autarcique qui cimente leur complicité. À travers ces différentes sources, Anne Le Troter semble s’interroger sur une notion à la fois poétique et politique : comment, dans le creuset de la langue, le corps contemporain pourrait-il s’exprimer sans se collectiviser ni s’instrumentaliser ?
 
Pour mettre en forme ses pièces sonores, l’artiste collecte, découpe et assemble, dans un processus de composition très élaboré. Selon différents protocoles, elle fait aussi intervenir sa propre voix enregistrée, ou celles de locuteurs interprètes. Dans un bloc de paroles constitué, Anne Le Troter met en relief l’intensité de présence de certains éléments : elle fuit le superflu, élague les liens syntaxiques, capte les variations dans la répétition, révèle la mécanique structurelle de la langue. Par ailleurs, elle est très attentive à l’intersubjectivité langagière et à la socialité linguistique, et elle accueille volontiers les symptômes émotionnels du locuteur : les modulations qui marquent le doute, la réticence, l'impatience ou la fatigue traduisent autrement le corps. En ce sens, elle s’inscrit dans le sillage de Benveniste ou de Goffman, linguistes pragmatiques qui ont beaucoup étudié l’appropriation, par le locuteur, de l’appareil formel de la langue. Toutefois, cette dimension linguistique présente dans le travail d’Anne Le Troter (l’interlocution, l’échange entre émetteur et receveur, destinateur/destinataire, encodeur/décodeur) ne doit pas oblitérer la grande qualité musicale de ses compositions : la pluralité des voix au sein d’un même individu et la pluralité des voix du groupe y sont traduites avec beaucoup de délicatesse polyphonique, conjuguée à une spatialisation du son qui renforce l’effet de mobilité légère de ce bruissement interactionnel, devenu mélodies combinées, ensemble rythmique de destins vocaux particuliers.
 
Pour transmettre cette matière sonore, Anne Le Troter met en place des dispositifs d’écoute simples, qui partitionnent l’espace, en améliorent parfois l’acoustique, et accueillent le corps des spectateurs. Moquettes et assises s’adaptent à la particularité des espaces investis, pour proposer une expérience à la fois ouverte et focalisée. De même, l’artiste ponctue ses expositions de séquences vidéos, qui ne prennent jamais le pas sur les sons diffusés, mais ponctuent la pensée qui opère dans la pièce sonore. Certaines parties percussives filmées (le rythme d’une batterie, le son des touches du piano électrique) aèrent le langage.
 
Pour cette nouvelle proposition intitulée Parler de loin ou bien se taire, Anne Le Troter investit l’ensemble du Grand Café dans une installation conçue comme une vaste respiration. Exploration des circulations entre corps singulier et corps générique, personne et personnage, émancipation et aliénation, l’exposition décrypte le politique dans l’intime, et vice-versa : l’entretien qui suit aborde ces enjeux, et décrit leur mise en forme spécifique pour le centre d’art de Saint-Nazaire.

Publié par Benoît Montigné

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