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Dans Comœdia du 19 juin 1928, Germaine Dulac répond à une enquête sur le "film parlé"; on peut saisir à cette occasion le parti pris théorique de la majorité des cinéastes, même ceux dits "d'avant-garde": L'art du cinéma n'est-il pas l'art de la beauté visuelle dans la combinaison du mouvement et de la lumière ? Lui adjoindre le verbe, c'est le détruire dans son sens le plus profond. C'est une régression et non un progrès. (…) Quand nos images seront dépendantes du verbe, ce que je ne peux imaginer, les spectacles cinématographiques seront incompréhensibles pour beaucoup dans l'une de ses parties.

Dans Comœdia du 19 juin 1928, Germaine Dulac répond à une enquête sur le "film parlé"; on peut saisir à cette occasion le parti pris théorique de la majorité des cinéastes, même ceux dits "d'avant-garde": L'art du cinéma n'est-il pas l'art de la beauté visuelle dans la combinaison du mouvement et de la lumière ? Lui adjoindre le verbe, c'est le détruire dans son sens le plus profond. C'est une régression et non un progrès. (…) Quand nos images seront dépendantes du verbe, ce que je ne peux imaginer, les spectacles cinématographiques seront incompréhensibles pour beaucoup dans l'une de ses parties. Le public, qui est habitué au silence des images et à leur expression sensible, réagira, j'en suis certaine, contre le film parlé. (…) Mais, le grand progrès sera sinon le film parlé, du moins le film musical. Harmonie d'images, harmonie de sons. Deux modes d'expressions profondément humains et internationaux dépassant les frontières du langage. On repère ici deux choses à la fois paradoxales, d'une part la volonté d'abolir les frontières imposées par le langage, mode artistique trop cloisonnant, d'autre part celle de rééquilibrer le son et l'image, tout en maintenant une séparation nette. Elle pose d'ailleurs déjà les bases d'un clivage encore sujet à débat chez les théoriciens du son, à savoir la séparation entre dialogue, musique et bruitage.

Pour replacer ces écrits dans le contexte de 1927, on peut rappeler qu'à l'époque, les structures musicales étaient encore relativement codifiées et structurées, même si le besoin de se départir des traditionnelles contraintes d'harmonie, de mélodie ou de tonalité commençaient globalement à émerger; On peut alors émettre l'hypothèse que cette relative rigidité des architectures sonores se soit propagée dans la structure des images, contraintes de se prêter au jeu de la musique, le son et l'image s'asservissant mutuellement pour aboutir à une situation d'équilibre entre musique simple, explicite et image symboliquement, sémantiquement réduite, la juxtaposition maladroite des deux aboutissant souvent à une redondance. Il y a bien entendu un art du jeu entre les deux éléments, plus ou moins bien réussi selon les cinéastes, mais le dispositif correspondant à cette situation d'équilibre devient le modèle universel, et perdure d'ailleurs encore. Le cinéma expérimental, de par sa "mission" de réflexion et d'autocritique s'est d'emblée intéressé à la relation entre image et son. Germaine Dulac, dans Disque 957, cite au générique des interprétations jouées au piano de compositeurs célèbres, qui sont sensés illustrer le film. L'image montrera les mains d'un musicien interprétant ces pièces, en alternance avec le bras d'un phonographe pointant sur le sillon d'un disque en mouvement, sans que jamais nous n'entendions un bruit ou une musique, ni ne voyions l'interprète; l'effet est étonnant, et est à replacer dans un contexte de passage du cinéma muet au cinéma parlant, avec tous les débats qui y furent liés. Germaine Dulac critique ainsi l'apposition naïve d'œuvres musicales sur l'image, donne à réfléchir sur l'importance du son et son lien à l'image, figure de plus la frustration provoquée par le procédé du hors-champ.


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